Je ne suis rarement si seul que lorsque je sais que ma conscience déplacée pose sur moi un oeil glacé qui me dépèce. Je ne suis jamais si seul que quand je m’observe, me vois, là. Dehors.

Tapis derrière le buisson et jouissant tel le pyromane, je vois la maison qui brûle mais je ne sais pas si je suis toujours dedans. Je suis terriblement excité pourtant.

Je suis rarement si accablé par le manque que lorsque je ne supporte plus ma propre compagnie trompeuse. Cet être te manque et tu es dépeuplé. Soi à soi. Soit, soit. J’erre, je me tourne autour. Les questions sont toutes amères.

Les cinq doigts de la main à plat sur un drap gris dont on sent la poisse dans un pli le long de la cuisse, empreinte de nous d’hier, le regard s’est vidé mais n’arrive pas à s’absoudre. Démultiplication du même plan de vision. Des couches, des strates, des étages en plateau. Mon œil. Le seul moyen qui nous reste de rentrer dans les pores de la matière comme le font les enfants de tous leurs sens est l’odorat, dont le toucher est une partie. Au lieu de ça, à travers mille battements de cils alourdis, nous fouillons le matériau corpusculaire. Lens flare en leurre.

On est rarement si seul que lorsqu’on s’observe avec obsession. Mais l’étranger n’est plus là. On regarde la cuve mystérieusement vidée. Le théâtre où se rejouent sans cesse les mêmes drames aux personnages interchangeables est un paravent étalé au sol.

Comme quand on se réveille malheureusement au milieu d’un songe prenant et qu’on essaie de le rattraper un bout, ne serait-ce que par le thème, une image, un souvenir, se remettre dans le fil défait de cette narration de rêve… On y arrive certaines nuits, et on est rassuré. On y échoue parfois dans la quête de l’étranger, en plein jour, quand les autres sont actifs. Quand le cirque a lieu encore et toujours. Quand ils ne s’arrêtent jamais…